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Panorama depuis le haut de Takrouna |
Dans
la partie sahélienne, au sud d'Hammamet, à proximité de Sousse, on
trouve quelques collines
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Partie basse du rocher |
rocailleuses. Cette région a conservé un
peuplement berbère. Non loin de la petite ville d'Enfidha, on
aperçoit un nid d'aigle au sommet duquel se trouve un joli petit
village appelé Takrouna. Ses habitants se battent pour conserver
l'héritage de leurs ancêtres numides.
1.Toponymie.
Le
pic rocailleux de Takrouna s'élève à 200m au dessus de la plaine
environnante. Les fossiles marins retrouvés (époque du Miocène)
ont permis aux géologues d'en expliquer l'origine : la région
avait été autrefois envahie par la mer.
D'après
Monsieur Nizar Chhoudi, un des rares habitants de ce nid d'aigle, le
nom berbère de Takrouna signifie « le long cou » [ta,
allongé et krouna,
cou]. Une appellation poétique pour décrire cet éperon rocheux qui
se détache du paysage.
2.Habitat.
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Cour intérieur d'une maison |
L'architecture
amazighe de Numidie adopte le style de la ghorfa [غرفة]
à voûte permettant de conserver une certaine fraîcheur. Ce type de
construction est à la base du ksar. Les pièces s'ouvrent sur une
cour intérieure. On y trouve souvent un four servant à
confectionner la « galette » (pain rond traditionnel).
Nizar,
notre hôte, a expliqué comment on construisait cette voûte plate
faite de quatre morceaux. On édifiait une sorte de moule en sable qui
permettait la construction et l'assemblage.
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Voûte intérieure |
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Vue d'une cour intérieure habitée. |
3.Le
village actuel.
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Le rocher de Takrouna |
La
culture et l'habitat amazigh sont menacés d'extinction. On pourrait
donc penser que ce merveilleux petit village de montagne soit laissé
à l'abandon. Or une femme, Madame Aida Bellagaha Gmach, dont la
famille est originaire de Takrouna, se bat pour sauver ce patrimoine
exceptionnel. Elle explique comment ses ancêtres, réfugiés
d'Andalousie, sont arrivés à Takrouna. « C’est
au quatrième palier, au sommet du piton, qu’habitait la famille
Gmach (Gomez ). Ils sont originaires d’Andalousie, de la Sierra de
Ronda de la région Benaladid «Ta kurunna» et qui, pendant
l’immigration mauresque d’Andalousie en 1609, quitte l’Espagne
pour s’installer en Tunisie. »
Assis
à l'ombre de la terrasse ensoleillée du café du « Rocher
Bleu », il fait bon humer l'air et contempler le panorama tout
en sirotant un thé à la menthe. Ici, le silence semble avoir
suspendu le temps. On songe alors à Tahar
Guiga (1922-1993),
écrivain, natif de Takrouna ou à Guy
de Maupassant
qui s'émerveilla sur ce site absolument unique.
4.Le
Rocher bleu.
Il
s'agit d'un agréable café situé tout en haut de l'éperon rocheux, offrant une vue à
180º jusqu'à la mer depuis une terrasse
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La terrasse du Rocher Bleu |
ombragée. Aïda, la
propriétaire, appartient à une vieille famille locale originaire de
l'Andalousie musulmane. Aïda crée des bijoux exposès à la vente dans la
boutique du café. Elle explique ses propensions artistiques inspirées par un grand artiste tunisien, Ali Bellagha (1924-2006).
« Pendant
30 ans, j'ai géré la galerie et travaillé avec un grand artiste,
feu Ali Bellagha. C'est lui qui m'a initiée à la peinture, à la
sculpture, à la céramique… ».
Aïda a également rassemblé une collection d'objets berbères de Tunisie,
allant de l'île de Jerba [جربة]
à la région de Sejnane [سجنان],
au nord de la Tunisie.
L'histoire
du « Rocher bleu » nous a été contée par Nizar. Quand
le côté face du rocher de Takrouna est au soleil, la roche est jaune,
alors que celle restée à l'ombre prend une lumière bleutée, à
l'origine donc de ce nom.
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Intérieur du café |
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Le coin repas |
5.Le
Musée.
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Retour au café du Rocher Bleu |
6.Takrouna
pendant la IIe Guerre Mondiale.
Pendant
la IIe Guerre Mondiale, Takrouna fut le site d'une bataille célèbre.
Alors qu'une garnison de troupe italienne avait la charge de garder ce nid d'aigle, un
bataillon néo-zélandais, essentiellement composé de Maoris, a
réussi à vaincre les soldats italiens, en avril 1943, au prix de
nombreuses pertes comme le cimetière néo-zélandais dans la plaine le
rappelle.
Grâce
aux efforts entrepris, ce petit village est désormais inscrit aux
visites de quelques circuits touristiques. Certaines maisons ont même
été restaurées par des étrangers pour servir de résidences de
vacances. Toutefois, la partie basse du village, encore en ruines,
attend des jours meilleurs pour renaître et conserver son héritage
amazigh traditionnel. Déjà, plus personne à Takrouna ne parle le tamazight. Or ce village existe depuis plus de 2 000 ans. Il appartient à l'héritage tunisien au même titre que les hommes du Capsien, ou de cette tribu des Ifri, déformée en Afri par les Romains, qui justement appelèrent cette contrée Africa. Nizar voudrait à juste titre que ce patrimoine puisse être classé par l'UNESCO. Souhaitons que ce vœu puisse être exaucé afin que les racines originelles du pays soient reconnues et préservées pour les générations futures.
Christian
Sorand
Liens :
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Type architectural typique |
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Construction au haut du village |