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Wednesday, January 30, 2019

Houmt Souk et son Musée de l'Héritage à Djerba (Tunisie)

Houmt Souk, chef-lieu de l'île de Djerba, possède aussi un musée de l'héritage, qui vient compléter celui de Guellala, déjà décrit. Ce musée se concentre surtout sur l'histoire, les traditions et les particularités de l'île dans son ensemble ethnique et culturel.
La visite du musée se complète par une autre curiosité attenante, consistant en une ancienne zaouïa jouxtant le bâtiment.

Houmt-Souk, which is the main urban community of Jerba, has also its own heritage museum that extends the contributions of the Guellala museum already mentioned in a separate article. Th Houmt-Souk museum focuses more on the history, the traditions and the characteristics of the island in its ethnic and cultural entity.

Le Musée de l'Héritage d'Houmt-Souk / The Houmt Souk Heritage Museum.



Carte de l'île de Djerba / Map of Jerba island

La poterie de Guellala, au sud de l'île, est célèbre et est issue d'une tradition vieille de plusieurs millénaires.

The Guellala pottery-making in the southern part of the island is not only famous but also born from an old tradition dating back for several millenia.



Exemple d'une poterie gravée de symboles à la fois modernes et traditionnels.
An example of a pottery bearing modern and traditional symbols
Une autre particularité de l'île consiste en ses fondouks  [فُنْدُق, funduq en arabe, signifiant 'hôtel'] ou caravansérails, dont plusieurs sont à Houmt-Souk.
The fondouk or caravanserai (a roadside inn) is another specific construction found on the island and particularly in Houmt Souk.


Costume féminin traditionnel de Djerba
Traditional female costume of Jerba
Djerba est également connue pour sa communauté juive, ainsi que pour une majorité musulmane de rite ibadite.
Jerba is also well-known for its Jewish community, as well as its Muslim population following the Ibadi rite of Islam.




La zaouïa du musée / The Museum Zawya.


Au sein de la religion islamique existe une confrèrie soufie désignée par le nom de ses lieux de rencontre [زاوية,] qui sont aussi le nom donné à la confrèrie elle-même. Cette tradition existe en particulier dans les trois pays du Maghreb.
Le soufisme [تصوف, tassawuf] est une tendance islamique empreinte de mystique et d'ésotérisme, qui est vraisemblablement à l'origine des marabouts d'Afrique du Nord: ce sont à la fois des érudits et des hermites musulmans, et aussi le nom donné à ces sanctuaires maghrébins qui essaiment le paysage.

Within the Islamic religion, there is a Sufi congregation that meets in a place called zawya, which by extension refers as well to the congregation itself.
Sufism is a mystic and esoteric aspect of Islam, most certainly at the origin of North Africa marabouts. They are both Muslim hermites and scholars, as well as the many shrines that characterize  the Maghreban countryside.

Cet édifice est à moitié souterrain, semblant souscrire au mythe de la caverne.
This type of building is partly underground, seemingly illustrating the Myth of the Cave.
Les 5 symboles d'une porte extérieure


Voûte intérieure de la salle principale
The inside dome in the main meting-room
Vue de la salle principale
A view of the meeting-room
Décoration murale d'une chambre annexe
Mural decoration in a sideroom.
Site officiel du musée

Christian Sorand

Djerba: Le Musée du Patrimoine de Guellala

Le musée du patrimoine de Guellala, au sud de l'île de Djerba
Bâti sur une éminence au dessus du village des potiers de Guellala, le musée du patrimoine est une destination privilégiée de l'île.
Il présente trois points d'intérêt: une remarquable architecture, une collection de scènes et d'objets traditionnels bien documentés, et enfin un café oriental exotique, possédant une terrasse panoramique.

Set on top of a hill overlooking the sea channel and the pottery-making village of Guellala, the heritage museum remains a top destination on the island.
Its three main characteristics are: an outstanding architecture, a well-documented collection of traditional scenes and items, and finally an exotic oriental coffeeshop offering a panoramic view from its terrace.


L'architecture du musée / The museum architecture.

Bien que moderne de conception, l'architecture s'est efforcée de respecter les lignes de l'habitat traditionnel. La géométrie utilise les formes du carré et du rectangle, au même titre que le dôme caractéristique. Elle respecte également la conception du "menzel", style d'habitation local, possédant une cour intérieure.

Even though the architecture bears a modern touch, it still respects the concepts of the traditional housing. The geometry favors the square and rectangular shapes, as well as the use of the noticeable local dome. It is also in keeping with the "menzel", the local house concept built around an inner yard.
Lignes architecturales du musée


Le Musée / The Museum.

En suivant un itinéraire balisé, les collections présentent une série de scènes et d'objets, salle après
Sur l'esplanade du musée
salle, qui permettent au visiteur d'avoir une idée plus précise de la culture et des traditions de cette île, au patrimoine berbère et ibadite.
Les explications bilingues (français/anglais) décrivent avec précision les us et coutumes de Djerba. L'effort fourni par son conservateur, dans ce domaine, est à souligner.

Following a clearly marked itinerary, the museum collection displays many traditional scenes and items, room after room, allowing the visitor to get a clear understanding of the island culture and traditions inherited from the Berbers and the Ibadi Muslim religion.
All the bilingual explanations (in French & English) precisely describe the Jerbian heritage. An effort, its curator needs to be thanked and congratulated for.

Tour-minaret à 3 niveaux
D'un point de vue plus personnel, on remarquera particulièrement la place laissée aux objets symboliques traditionnels et à l'utilisation du chiffre impair dans son application pratique. La coutume n'est pas uniquement religieuse. Elle puise aussi dans des sources coutumières, héritées d'un passé berbère lointain mais toujours vivace.


On a more personal touch, you will particularly notice the remarks made about some of the traditional symbolic items, and also about the use of odd numbers for its practical interraction. Customs are not simply religious. They are also an heritage of a Berber past that still remains alive in its traditional use. 
Poteries de Guellala
Les éléments de la cuisine traditionnelle
Poissons et œufs, symboles de fertilité

La scène implique les chiffres 3 et 7
Apparition du chiffre 5 et 45.


La symbolique du voile au
dernier jour des cérémonies
du mariage.










Médecine traditionnelle


Le guérisseur, une vieille pratique africaine
Une secte soufi rappelant certaines pratiques hindoues

Autre scène grandeur nature
du musée
On retrouve ici le symbole de l'œuf



Ce symbole de fertilité et de partage
en deux parties fait appel au
principe d'équité, cher aux
Ibadites.
Mais il fait aussi appel au mythe antique
de l'œuf primordial, dont la partie
supérieure est la vôute, et la
partie inférieure est la coupe.
Histoire de la poterie de Guellala.
Le terme haribus est celui donné par les Romains.
Le nom phénicien étair heres signifiant
'vase de terre'.
Le dromadaire contribue aux travaux domestiques
Architecture traditionnelle de Djerba.
On notera au dessus des portes un triple symbole: 2 poissons,
symboles du couple, entourant une 'main de Fatma', connue
comme étant le signe hamsa, rimant
avec le chiffre 5 arabe (khamsa)
Une illustration d'un puits traditionnel...
...et un exemple de puits djerbien


Le café oriental et sa vue panoramique / The Oriental coffeeshop with its panoramic view.

Intérieur du café du musée
Une attention particulière a été, semble-t-il donnée pour créer une chaude atmosphère orientale à l'intérieur du petit café du musée. Le résultat est fort réussi dans sa conception, qui charmera, sans aucun doûte, les visiteurs du lieu. À l'extérieur, la vue qui s'offre depuis la terrasse, permet de contempler à la fois le village de Guellala et le bras de mer qui sépare l'île du continent. À noter que c'est ici le seul point culminant de toute l'île.
Seemingly, the interior of the small museum coffeeshop, was created with a concept favoring a warm Oriental atmosphere. It looks like a real outcome, which will captivate undoubtedly all visitors. On the outside, the terrace view allows us to see clearly Guellala as well as the narrow strait that separates the island from the continent. By the way, this is the only hillpoint of the whole island.
Un recoin intérieur du café
La terrasse et sa vue

Christian Sorand

Saturday, January 26, 2019

DJERBA, île plurielle.

Panorama de Guellala et de la côte sud de Djerba
Djerba abrite une communauté aux particularités multiples. C'est la seule grande île du sud méditerranéen, proche de la côte africaine. Son relief ne dépasse guère une cinquantaine de mètres dans la partie méridionale. Aucun cours d'eau n'arrose son espace semi-désertique. Des puits,
Puits djerbien traditionnel
recueillant une eau saumâtre, propre à la culture, jalonnent son espace. La population indigène a longtemps adapté l'habitat pour permettre de recueillir les eaux de pluie dans des citernes, jusqu'à ce que les nécessités du monde moderne fassent que cette eau soit dorénavant apportée par un pipe-line. 
Or cette île, à l'histoire millénaire, est le berceau ancestral d'une population amazighe caractérisant son identité sociologique, et par voie de conséquence, son caractère original et immuable. Djerba est une île profondément berbère avec toutes les conséquences socio-culturelles que cela entraîne. Car, il faut bien admettre que l'insularité exacerbe, comme partout ailleurs, un esprit d'identité plus tenace que sur le continent.
À cela, vient s'ajouter un autre facteur, historique cette fois. Aussi longtemps qu'existent les civilisations méditerranéennes, Djerba en a toujours été l'un des maillons. 
Rade d'Houmt Souk
Dans l'Odyssée déjà, Homère (VIIe siècle av. J.-C.) la cite comme étant « l'île des Lotophages », dont le fruit envoûtait les marins d'Ulysse. Ce sont ces mêmes Grecs qui ont puisé bien des éléments de leur mythologie dans la proximité immédiate de l'île. Que ce soient, le messager des mers Triton, ou la déesse Athéna. On a tord de croire que le mythe fait figure d'une histoire fantastique imaginée par les Hommes. En ces temps lointains, où l'écriture n'était pas encore née, le mythe permettait de fixer une image mentale dans les esprits des hommes pour expliquer l'inexplicable, mais aussi pour témoigner des connaissances. Homère écrit l'Iliade et l'Odyssée quelques huit cents ans avant notre ère. Il évoque donc une époque encore plus lointaine, appartenant à la Préhistoire. 
Les Phéniciens, ces grands marins et commerçants de la haute antiquité, venaient aussi à Djerba pour
Poterie blanche, Guellala
y chercher le murex, dont on en extrait la pourpre. Entre Guellala et El-Kantara, le site archéologique de Meninx a d'abord été phénicien avant d'être romain. La légende rapporte que les Phéniciens seraient à l'origine de la célèbre poterie de Guellala, car en repartant, ils chargeaient leurs vaisseaux de jarres d'huile d'olive collectée localement.

Le nom tamazight (langue berbère) de Guellala est iquellalen, signifiant "potiers".
Linguistiquement parlant, le mot meninx vient du grec [Μῆνιγξ] signifiant « membrane » et plus spécifiquement celle du cerveau. Or certains textes historiques évoquent Djerba comme ayant la forme d'un cerveau humain ! Il suffit de regarder une carte de l'île pour en découvrir la ressemblance. Cela amène à se demander comment les Anciens avaient pu établir une topographie aussi pertinente !
Les Romains sont arrivés plus tard, mais sont à l'origine de cette chaussée dite « romaine » qui relie El-Kantara (le pont, en langue arabe) au continent africain, vers Zarzis.
La chaussée romaine
Et puis, lorsque les troupes arabes, portant le drapeau de l'islam, sont arrivées au VIIe siècle de notre ère, Djerba était forcément une étape sur la voie de la conquête.
Cela nous conduit alors à évoquer les particularismes religieux de cette île, décidément unique.
Peu de lieux du monde d'aujourd'hui offrent un tel tableau. À vrai dire, il s'agit d'une entité sociologique véritablement atypique. 
Mosquée ibadite
Tout d'abord, Djerba est l'île des Ibadites. Issu du Kharidjisme, l'Ibadisme fait figure de troisième voie dans l'islam, entre Chiites et Sunnites. Réputé pour sa rigueur coranique, sa simplicité sacerdotale, son sens égalitaire entre les sexes et les membres de la communauté, son esprit de tolérance, l'Ibadisme se compare au protestantisme, au sein de l'islam. Le sultanat d'Oman est le seul pays se réclamant officiellement de cette confession. Des poches ibadites existent sur la côte est-africaine, autrefois visitée par des navigateurs omanais, comme l'île de Zanzibar, en Tanzanie. Or, l'Afrique du Nord conserve aussi quelques zones ibadites : dans le Djebel Nefoussa en Libye, dans la Pentapole du M'Zab, en Algérie, et sur l'île de Djerba. À noter que ces territoires maghrébins sont tous berbères.
Houmt Souk, capitale de l'île, possède une intéressante bibliothèque privée [Al Barounia], dédiée aux personnes cherchant à se documenter sur l'Ibadisme et l'histoire de Djerba, comme l'explique son directeur, M. Said Barouni.
La mouvance ibadite est à l'origine du particularisme architectural des constructions djerbiennes, que ce soit dans le style des maisons ou celui des mosquées. La conception, adaptée au climat, utilise une remarquable pureté de lignes composées de carrés, de rectangles et de coupoles, sans fioritures inutiles. Anthropologiquement parlant, le carré symbolise la vie terrestre, tandis que la coupole, partie supérieure de l'œuf primordial, appartient à la voûte céleste divine. Le remarquable musée du patrimoine de Guellala, évoque d'ailleurs le symbolisme de l'offrande de l'œuf, comme faisant partie d'une tradition ancestrale locale. Une tradition qui se retrouve aussi dans la tradition provençale.
Mosquée de Tlet (côte sud de l'île)
Parallèlement à l'islam ibadite, Djerba conserve une importante communauté juive, qui semble reposer sur deux fondements historiques. Le premier est le plus ancien, puisque selon la tradition, comme l'explique Annie Kabla, des émigrés hébreux seraient arrivés sur l'île après la première destruction du Temple de Salomon (en 587 av. J.-C.), en voyageant sur des bateaux phéniciens. Il est utile de rappeler que le roi Salomon avait fait
Intérieur de La Ghriba
appel à un architecte phénicien, Hiram, pour la construction du temple de Jérusalem. Cet épisode historique est encore véhiculé par la Franc-maçonnerie. Cette première vague aurait alors fondé la célèbre synagogue de La Ghriba, qui, toujours selon la tradition hébraïque locale, conserverait quelques éléments du Temple de Salomon. Il est évident que ces premiers réfugiés juifs ont ensuite entrainé les indigènes amazighes à se convertir au judaïsme. Ce cas n'est pas unique, quand on pense aux communautés juives de l'Aurès, dont l'une des héroïnes historiques a été la célèbre Kahina. Quoi qu'il en soit, il y a toujours plusieurs synagogues à Djerba, destinées à la communauté juive locale. Un grand nombre de bijoutiers de Houmt Souk sont juifs et ferment donc boutique le samedi, jour du sabbat.
Église Saint-Joseph
Djerba abrite aussi une petite communauté chrétienne, héritière d'une émigration plus tardive, datant du XIXe. Au départ, elle était composée surtout de Siciliens et de Maltais, puis elle a été étayée ensuite par l'arrivée de fonctionnaires français à la période du protectorat. L'église Saint-Joseph de Djerba, à Houmt Souk, surnommée « l'église maltaise », est toujours en service et est aujourd'hui sous l'autorité d'un jeune prêtre italien, qui était auparavant au Liban ! Et puis, fait peu connu, Djerba a aussi attiré une petite colonie de Grecs, originaires de l'île de Kalymnos, où les
Église Saint-Nicolas
pêcheurs d'éponges sont réputés pour la plongée en apnée. Près du port d'Houmt Souk, on peut donc visiter une petite église orthodoxe grecque, gardée par Dimitri, le fils d'un descendant grec émigré. Construite aux alentours de 1890, cette église orthodoxe porte le nom de Saint-Nicolas, le patron des pêcheurs.
Après avoir rencontré des membres de chacune de ces communautés, qui tous se connaissent et s'apprécient, on acquiert un sentiment de paix intérieure, devenu si rare à notre époque. Et chacun d'évoquer sous couvert d'une sorte de crainte imperceptible, les nouveaux arrivants, fonctionnaires de l'État tunisien, ou représentants du tourisme, souvent de confession musulmane malékite, qui viennent bousculer l'ordre djerbien établi ! Un sentiment de peur, bien humain, qui appartient à chacun, mais qui, sur une île, se transforme en un écho interrogateur, quant à l'avenir de cette magnifique cohésion communautaire. 
Dans un fondouk (caravansérail)
à Houmt Souk
Cette constatation appelle une réflexion particulière, inhérente à la population majoritairement Amazighe de l'île de Djerba. Linguistiquement parlant, le district de Guellala, au sud, est la seule aire ayant conservé un dialecte berbère. L'Amazighité de l'île, se retrouve aussi dans l'ibadisme ou le judaïsme, qui représentent une originalité et une diversité appartenant à l'histoire et à la conception philosophique du monde par ceux que l'on connaît comme étant les « hommes libres » (traduction du terme Amazigh, au singulier, Imazighen, au pluriel). 
Djerba, n'est que le reflet d'un miroir maghrébin originel. On se sent soudain bien loin des conceptions divergentes, véhiculées par des groupes fanatiques de tous bords, qui empoisonnent la vie contemporaine. La pluralité djerbienne est unique. En vérité, il s'agit d'un modèle sociologique dont on serait bien inspirés d'imiter dans un esprit de tolérance et d'harmonie.
Christian Sorand

Djerba, les mosquées ibadites
    
Carte d l'île de Djerba
Chez un potier de Guellala
Minaret ibadite près de Guellala
Une place publique au centre d'Houmt Souk
Architecture djerbienne d'un fondouk.

Carnet d'adresses: