Ou l'ode à la beauté du Siam
Réf. : Fr3 / 'Faut pas rêver' – Le Pays, Les Hommes.
Enfin un beau film plein d'empathie qui rend justice à la beauté et aux valeurs d'un pays jouissant d'un patrimoine véritablement unique ! Photographe, j'ai pu apprécier la qualité de l'image. Amoureux de ce pays, j'ai reconnu des sites incomparables découverts au fil des ans et de multiples voyages. J'ai apprécié le fait que ce superbe court-métrage nous entraîne du sud au nord du pays dans les lieux les plus insolites ; et non pas sur les traces cent fois rebattues des circuits touristiques traditionnels. Alors oui, cette fois, je me suis reconnu dans l'exploration d'un pays prisé par les visiteurs du monde entier, mais dont l'âme et l'incommensurable beauté échappent souvent aux touristes de passage.
Certes, la langue est souvent une barrière pour apprécier les qualités et les valeurs d'un peuple ancestral n'ayant jamais connu la colonisation. La rencontre avec deux femmes exceptionnelles, Rang, l'ornithologue, et Lek, la protectrice des éléphants, n'en sont que deux exemples poignants.
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Cages d'oiseaux à l'entrée d'une maison |
Outre le fait que ce sont deux femmes, le choix demeure judicieux. Car dans le cœur des Thaïlandais, l'oiseau a une valeur magique. C'est celui que l'on remet en liberté à l'entrée des pagodes ; celui aussi que l'on garde – certes dans une cage – sur le perron de la maison pour la gaîté de son chant. Quant à l'éléphant, il appartient à l'âme profonde du pays. Le pachyderme jouit sans nul doute d'un respect quasi royal.Ceci n'est peut-être pas étranger au fait que Ganeesh – le dieu hindou à tête d'éléphant – fasse partie du panthéon religieux des Thaïs. Si la Thaïlande est à 90% bouddhiste, la religion laisse une large place à l'héritage hindouiste originel dans les pratiques quotidiennes.
Alors cette « route des rois », clin d'œil aux valeurs monarchiques siamoises, commence dans un lieu
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Le Pavillon royal de Phraya Nakhon |
absolument stupéfiant, au sud de Hua Hin, sur la côte du Golfe du Siam. Ici, le Parc de Khao Sam Roi Yot ( 'la montagnes aux trois cents pics') est une réserve naturelle assez peu connue. La beauté sauvage de sa plage est éludée au profit de la grotte de Phraya Nakhon à l'intérieur de laquelle se trouve le pavillon royal de Kuha Karuhas, lieu véritablement magique, honoré par trois souverains siamois. Ce site reste fort heureusement à l'écart des itinéraires touristiques, à la fois pour son isolement géographique et par l'effort physique qu'il demande pour y accéder.
Plus au sud de la péninsule malaise, le lac de Thale Noi ('la petite mer'), dans la province de Phatthalung illustre le fait qu'il s'agit d'une réserve naturelle ornithologique d'un pays riche de 900 espèces répertoriées. C'est ici que l'on fait la connaissance de Rang, une Thaïlandaise passionnée par les oiseaux. Elle nous entraine ensuite à la découverte de Ko Kut (ou Koh Kood), île encore sauvage d'un bout du monde situé dans l'archipel de Koh Chang, au large des côtes khmères.
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Koh Kood |
Puis on fait un premier saut dans le nord à Chiang Rai ('la ville ancienne') pour y découvrir un lieu atypique : le Temple blanc. Les travaux ont débuté en 1997 et se poursuivent encore. Cet édifice d'une blancheur immaculée, représente la pureté du Bouddhisme comme lors de certaines cérémonies à caractère hautement religieux, apparaît comme un monument destiné à « symboliser le mal » au travers de ses effigies. Ensuite, ce sont les méandres majestueux du Mékong, cette 'mère des eaux',
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Lever de soleil à Phu Chi Fa |
servant de frontière naturelle avec le Laos voisin. C'est aussi et surtout l’ascension d'un pic, le Phu Chi Fa ('la montagne qui touche le ciel'). A 1,442m au dessus du niveau de la mer, on en fait l’ascension dans la fraîcheur du petit matin pour y admirer le lever de soleil au dessus d'une mer de nuages. C'est un des spectacles les plus fabuleux de Thaïlande. On est ici parmi les Hmongs, en territoire laotien, car il n'est pas possible d'y accéder depuis le Laos !
Nouveau saut de puce, cette fois vers Bangkok, la capitale. Cette « ville des Anges » de 14M d'habitants, où je vis depuis cinq ans et que j'aime profondément pour sa diversité et pour tous les secrets qu'elle recèle. Celle que l'on surnomme aussi « la Venise de l'Est » est en fait double. Comme Paris, elle est séparée par un fleuve large comme trois ou quatre Seines, le Chao Phraya, « seigneur des eaux ». La rive droite est celle de Thonburi, où fut crée la troisième capitale du Siam après la chute d'Ayutthaya, détruite et saccagée par les Birmans. La rive gauche est celle de Bangkok, proprement dit. A la mort du roi Taksin d'Ayutthaya, à Thonburi, une nouvelle dynastie a vu le jour, celle des Ramas, dont le souverain actuel porte le titre de Rama IX. De Thonburi où se dresse encore le Wat Arun ('temple de l'aube'), le nouveau roi, Rama I, décida de transférer sa capitale sur l'autre rive du fleuve, dans le quartier historique de l'île de Rattanakosin où se trouvent aujourd'hui le Palais
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Wat Pho, Bangkok |
Royal, l'une des merveilles du monde, et le Wat Pho, célèbre pour son Bouddha couché (46m de long sur 15m de haut). Le film nous y emmène, au petit matin, quand la horde des touristes n'est pas encore arrivée. Aussi étonnant que cela puisse être, rien n'est encore classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Il existe bien un projet déposé auprès de cet organisme des Nations Unies, mais il est fort probable que le régime militaire oblige à surseoir à ce classement pendant plusieurs années encore. Et comme la 'Cité des Anges' est également 'la Venise de l'Est', le court-métrage dévoile donc ensuite le « petit monde protégé des khlongs ». Les khlongs sont ces 350km de canaux qui parsèment le territoire de la capitale. Il faut savoir qu'autrefois, les routes n'existaient pas et que le transport se faisait uniquement au fil de l'eau. On découvre ainsi l'un de ces multiples visages de Bangkok, faite d'un assemblage parfois hétéroclite, de petits villages vivant au rythme d'une communauté de vie bien asiatique, troublée seulement par d'énormes varans qui flottent entre deux eaux. Ces mêmes varans, on les retrouve d'ailleurs au parc de Lumpini, poumon vert du cœur de Bangkok. Et puis la nuit venue, cette étonnante mégalopole – dont beaucoup croient qu'elle ne recèle que des gratte-ciel ou des lieux de plaisir – revêt un autre visage : celui des « lumières de la ville qui ne s'endort jamais ».
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Montagnes de Khao Sok |
Nouveau
saut de puce vers le sud de la péninsule malaise : voici le
site naturel de Khao
Sok.
Situé sur l'épine montagneuse centrale de la péninsule entre Khao
Lak à l'ouest et Surat Thani à l'est, ce parc naturel, patrimoine
mondial de l'UNESCO, conserve la plus vieille forêt tropicale du
monde. Le lac, que le film nous fait découvrir, est l'œuvre de
l'homme après la construction d'un barrage. C'est un lieu sublime
que l'émission compare à la Baie d'Halong. En fait, les Thaïs,
l'associe plutôt à la région de Guilin, en Chine (un panneau
annonce'Welcome
to little Guilin !').
Le lac, profond de 80m, est dominé par une forêt de montagnes
karstiques, atteignant les 400m. C'est assurément l'un des plus
beaux sites naturels du pays ; l'un des moins connus aussi.
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Le lac du parc de Khao Sok |
Puis retour vers le nord du pays. Cette fois dans la région montagneuse de la frontière du Myanmar. Nous sommes en pays Karen, à la rencontre d'une communauté villageoise, à Kawade, où l'on est invité à déguster une « fricassée de grillons ». Et oui, les Thaïlandais sont friands de toutes sortes
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Mae Sa Elephant Camp |
d'insectes ; c'est une réalité culturelle. Chiang Mai ('la ville nouvelle') n'est pas très loin. C'est là qu'on y rencontre Lek, cette « militante de la vie sauvage », devenue la protectrice des éléphants, dans ce pays où on dénombre 4,000 éléphants domestiques. Elle a ainsi créé à la périphérie de la ville, l'Elephant Nature Park. On y dénombre 65 éléphants secourus, accompagnés de leurs anciens cornacs, désormais gagnés à la cause. Ces dresseurs d'éléphants viennent pour la plupart de la région de Surin, dans la partie sud-est de l'Isan. C'est à Surin que se tient chaque année le Festival des Éléphants de Surin destiné à honorer le plus gros mammifère terrestre de la Terre. On retourne ensuite brièvement à Chiang Rai, dans le pays Lanna, pour y rencontrer un chauffeur de taxi local expliquant les bienfaits du karma et visiter un étrange monastère dont la mission est d'éduquer les fidèles à « mourir et à renaître » pendant un pèlerinage afin de « pardonner à soi-même ».
Le court-métrage se termine alors à Chiang Mai dans la même magie qu'il a commencé au tout début.
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Doi Suthep |
Connue comme « la perle du royaume de Lanna », Chiang Mai est la cité aux trois cents pagodes, dont la plus célèbre est celle du Doi Suthep, au dessus de la ville. La mi-novembre devient le théâtre d'une des plus belles fêtes de Thaïlande : le festival du loi krathong. En langue thaïe, loi signifie 'flotter',
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Loi krathongs |
tandis que le terme krathong désigne un objet circulaire fait de feuille de bananier, et composé de fleurs, d'une bougie et de bâtons d'encens. La nuit venue les Thaïs viennent en famille pour faire flotter ces jolies compositions sur l'eau. Cette fête est célébrée dans tout le pays. À Chiang Mai, elle s'accompagne d'une autre pratique connue sous le terme de Yee Peng, où l'on fait flotter des milliers de lanternes dans le ciel, une envolée symbolique pour se débarrasser de toutes les mauvaises influences. Cela donne lieu à un spectacle tout aussi magique que féérique.
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L'envolée des lanternes |
Si un autre court-métrage, « La Thaïlande, nouveau paradis des Français » faisait un portrait fallacieux du « Pays des Sourires », par contre, celui-ci est plus proche de la réalité thaïlandaise au jour le jour. On ne peur dénigrer le fait que ces deux facettes existent bel et bien. Or, comme c'est souvent le cas, dans une présentation d'images, on pourrait imaginer que ce sont des éloges au mythe du « paradis » thaï. Or, en vivant dans un pays, on sait très bien que le paradis n'existe pas sur terre. Un côté plus sombre coéxiste, où l'illusion du sourire peut aisément devenir grimace. J'évoquerai donc cet envers du décor dans une autre analyse perçue de l'intérieur.
Toutefois, il n'en demeure pas moins que « la Route des Rois » reste une émission phare rendant justice à ce pays, que tant d'entre-nous apprécions toujours pour sa beauté et la qualité de sa vie.
Christian Sorand
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