Voisine de Sousse et située entre Hammamet, au nord, et Sfax, au sud, la Ville de Monastir a une histoire fort intéressante, un peu oblitérée aujourd’hui par sa réputation de station balnéaire.
La topographie locale nous donne tout d’abord quelques précieuses indications sur le choix du site.
Fig. 1 |
Que voit-on en regardant sa position géographique ? Outre le fait que ce soit un lieu central sur la côte du golfe de Gabès (Fig.1), on remarque qu’il s’agit d’une péninsule, à vrai dire, atypique (Fig.2). Cette péninsule est tournée à la fois vers le nord (le golfe d’Hammamet), mais elle s’ouvre largement aussi sur la partie orientale de la côte méditerranéenne, ayant même un œil en direction du sud, l’ancien lac Tritonis des Grecs [Τριτωνίδα λίμνην]. Mais ce n’est pas tout ! La partie terrestre occidentale est largement occupée par un vaste lac séparant Monastir du reste du pays ; de telle sorte qu’on est en présence d’une presqu’île. En outre, le long de la partie orientale de la péninsule, il existe deux autres presqu’îles formant chacune une anse. La première se trouve côté nord - celle de la Marina moderne - et la seconde forme un magnifique havre : celui du port de pêche.
En d’autres termes, ce lieu fait donc figure d’un remarquable site naturel défensif. Et évidemment, ce sont les Phéniciens qui ont été les premiers à en exploiter la situation. La topographie des lieux correspond d’ailleurs aux choix habituels phéniciens, tels que l’on les retrouve dans d’autres comptoirs méditerranéens. Le site archéologique de Ruspina [RSPN] a été d’abord phénicien (IVe siècle av. J.-C.), puis punique et enfin romain (146 av. J.-C.).
Y-a-t-il une relation entre l’isolement naturel d’une presqu’île et le nom d’un lieu? Cette question se pose véritablement pour le toponyme de Monastir. Ce mot serait issu du terme grec monastérion [μοναστήριον], “célibataire” ou “solitaire” pour qualifier l’isolement monastique d’une cellule de moine.
Fig.2 |
Le terme serait passé ensuite dans la langue arabe, donnant Mestir [المنستير], soit Monastir. Or, comme pour corroborer cette assomption, tournons-nous vers un monument emblématique de l’histoire de Monastir : le “Ribat”. À l’arrivée des conquérants arabes au VIIe siècle de notre ère, cette partie de l’Ifrqiya a été conquise avant toutes les autres. Kairouan, proche de Sousse et de Monastir, est fondée en 670. La Grande Mosquée fait de Kairouan la première ville sainte du Maghreb et le quatrième lieu saint de l’islam. Or pour protéger cette région du Sahel tunisien des invasions byzantines, il a fallu construire des forteresses le long des côtes. C’est le rôle joué au départ par un “ribat” [رِبَـاط]. Il y en a deux dans cette région : celui de Sousse et celui de Monastir. Celui de Monastir est le plus ancien (796). Un “ribat” est donc une petite forteresse abritant une garnison militaire. La ville marocaine de Rabat doit son nom au “ribat” construit sur une éminence défendant l’embouchure du Bou Regreg. C’est également le cas du Rabat maltais (Ir’rebet). Mais avec le temps, le “ribat” est devenu un gîte pour les voyageurs, puis un lieu de refuge des mystiques, en particulier un lieu d’accueil des premiers courants du soufisme. “Cette particularité assimile le « ribat » à un couvent fortifié de moines guerriers.”
Il est donc singulier d’appréhender comment la topographie d’un lieu isolé a pu s’associer à un toponyme prolongeant en quelque sorte un concept similaire : celui d’une retraite monastique telle qu’elle apparaît dans l’appellation du lieu. Cette remarque est d’autant plus pertinente qu’en général la toponymie maghrébine a le plus souvent une origine libyque.
Christian Sorand
Intérieur du Ribat de Monastir |
Cour intérieure du Ribat de Monastir |
No comments:
Post a Comment