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Friday, July 24, 2020

IV-bis - Le Seuil du Temple thaïlandais (Complément au texte sur la Symbolique du temple thaï)

    La lecture d’un ouvrage intitulé “Ethnologie de la porte”[1] de Pascal Dibie, suggère qu’il serait utile d’ajouter une réflexion supplémentaire sur la symbolique religieuse de Thaïlande.

Pascal Dibie est professeur d’ethnologie à la Sorbonne. Dans l’ouvrage, cité en référence, il évoque bien entendu le seuil, passage transitoire obligé de la porte. Le seuil se situe au croisement du dehors et du dedans. 

L’habitude aidant, on n’a pas forcément conscience des raisons motivant l’existence symbolique  de ces passages familiers, inhérents à la conception architecturale des édifices publics ou religieux..

Or précisément, l’existence du seuil suscite une réflexion basée à la fois sur une motivation symbolique et une conception généralisée s’appliquant aux édifices de tout genre. En effet, les trois utilisations habituelles sont: la maison, l’édifice public et le lieu de culte. 

On se cantonnera ici à l’évocation de la structure religieuse; plus précisément à celle du temple thaïlandais, communément appelé “un wat”. 

Le seuil est donc ce passage surélevé menant de l’extérieur (le monde profane), à l’intérieur (le monde sacré). Ce passage d’un monde à l’autre se fait bien entendu aussi  en sens inverse. Que ce soit dans une cathédrale, un temple grec, ou tout autre édifice religieux, le seuil comporte deux éléments distinctifs: une marche ou des escaliers et une plateforme donnant accès à la porte. 

À noter ici, que dans le temple thaï, ce seuil est bien souvent protégé par un auvent du toit. Ceci dénote alors une triple transition de la lumière extérieure à la pénombre du seuil, en préparation à l’obscurité intérieure du sanctuaire. À cela, vient s’ajouter un rite oriental culturo-religieux: le seuil sert de barrière invisible et momentanée entre un “dehors” et un “dedans”. On arrive chaussé, mais on se déchausse sur le seuil, avant d’entrer nus-pieds dans le sanctuaire.

Le wat s’aligne donc selon deux axes complémentaires. Il y a d’abord un axe vertical reliant le haut au bas (du toit au sol) et un axe horizontal reliant le monde profane au monde spirituel, allant du parvis à l’effigie intérieure du Bouddha.

Le seuil représente un lieu de passage incontournable pour se préparer spirituellement à entrer en contact avec le monde du divin, dans le plus grand respect. 


On comprend mieux alors pourquoi une tenue vestimentaire “respectable” est exigée; chose que beaucoup d’étrangers ont du mal

souvent à comprendre. Une fois à l’intérieur du sanctuaire, le fidèle se tient à genoux à même le sol, puis se prosterne à trois reprises successives, devant la statue de Bouddha.

Mais revenons au seuil proprement dit. Étant surélevé, il comporte nécessairement quelques marches. Il y a d’abord celles qui mènent au seuil, puis celle (communément une seule), qui permet de franchir la porte du sanctuaire. On est bien dans une zone de passage intermédiaire. Les marches extérieures préfigurent une élévation spirituelle, qui se prolonge brièvement sur le seuil avant toute entrée solennelle.

En outre, l’escalier d’accès au seuil, comporte toujours deux rampes zoomorphes de chaque côté. Dans une majorité de cas, deux Nagas protègent le sanctuaire, tout en accueillant à leur manière, le visiteur, puisque le Naga est perçu comme un serpent-dragon bienfaisant. Cet animal mythique, par son mouvement ondulatoire, relie le Haut (le Ciel) au Bas (la Terre).

Il existe malgré tout d’autres animaux mythologiques décorant les rampes de l’escalier menant au seuil. C’est en particulier le cas, du nord de la Thaïlande, l’ancien royaume Lanna, ayant Chiang Mai (“la ville nouvelle”) comme capitale.

Dans cette région donc, les rampes ont d’étonnants animaux, visiblement issus de la mythologie hindoue. Ce sont des créatures fantastiques qui peuplent le domaine des dieux, au pied du Mont Meru, montagne sacrée de l’Himalaya.

Le seuil est donc un élément clé dans la symbolique du temple thaïlandais. il représente un lieu de passage obligé à l’entrée extérieure du sanctuaire. Son utilisation joue un rôle actif dans la vie du temple, mais il n’en demeure pas moins que sa conception rejoint celle de l’église ou de la cathédrale.

Christian Sorand


 [1] Pascal Dibie, Ethnologie de la porte des passages et des seuils, Éditions Métailié, Paris, 2012, ISBN: 978-2-86424-841-5



LIEN:

https://chrismate.blogspot.com/2020/06/iv-le-symbolisme-dans-larchitecture.html

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