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Le Café Mozart près de l'Opéra de Vienne |
Hormis la musique, il existe une autre tradition viennoise encore bien vivante aujourd'hui. C'est celle des cafés et de la pâtisserie.
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Le Café Frauenhuber |
Ces trois composantes de la vie viennoise sont d'ailleurs souvent liées. Mozart donnait parfois des concerts dans des cafés. La maison Frauenhuber, entre autres, le commémore par une plaque. En écoutant une pièce musicale, on servait alors du café accompagné de pâtisseries.
À ce titre, il est utile de rappeler l'histoire du café en Europe. Originaire des montagnes d'Éthiopie et du sud de la péninsule arabique, il a laissé son empreinte originelle dans les appellations telles qu'arabica ou moka. D'abord populaire au Caire, il s'est ensuite répandu à Constantinople, dans sa version de 'café turc'. À cette époque, l'Empire Ottoman et la Cité des Doges dominaient le commerce maritime méditerranéen. C'est donc à Venise que le café s'est d'abord propagé en Europe. Or, historiquement, Vienne et Venise partageaient des liens étroits. Ceci explique, par exemple, l'arrivée d'Antonio Vivaldi à la cour des Habsbourg.
L'usage du café a commencé à se répandre sur l'axe Venise-Vienne-Paris. C'est d'ailleurs Paris qui semble avoir la primeur du premier Café de la capitale lorsqu'un Sicilien nommé Francesco Procopio ouvre son café en 1686 [Le Café Procope]. Vienne partage donc cette vieille tradition. Le Café Frauenhuber ouvre en 1845. Dans un premier temps, ce sont des cafés-concert fréquentés par la haute société viennoise. L'impératrice Marie-Thérèse est, elle-même, venue au Café Frauenhuber, où Beethoven et Mozart se sont produits. Le Café Schwarzenberg perpétue toujours cette tradition musicale en fin d'après-midi.
Par la suite, ces cafés, à Paris comme à Vienne, ont été fréquentés par le monde littéraire et politique.
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Un Brauner servi au Café Oper |
Toutefois, il faut noter qu'à Vienne la tradition du café a évolué de manière plus diverse et plus originale. D'abord, le café, comme souvent en Italie, est accompagné d'un verre d'eau. Ensuite, la boisson viennoise est affublée d'appellations particulières. Le mot allemand Kaffee est peu courant. Ainsi l'espresso devient le Mocca ou Schwarzer; le Brauner est un express accompagné d'un petit pot de lait servi séparément; et le Melange est un express au lait, plus consistant que le macchiato italien. Dans le monde arabe et en Turquie, le café est souvent servi dans un verre; cette tradition perdure à Vienne, où le Einspänner est accompagné d'une dose de chantilly : c'est celui que l'on appelle communément « le café viennois ».
La pâtisserie viennoise accompagne cet itinéraire culinaire et culturel. Tant et si bien qu'elle a fini par forger l'expression française de « viennoiserie ». Notons au passage que cette appellation linguistique se traduit par une autre référence culturelle dans la langue de Shakespeare, où l'on parle de 'Danish pastry'. Tout n'est peut-être pas si « pourri » dans ce royaume du Danemark, au demeurant fort sympathique ! ('Something is rotten in the state of Denmark' – Hamlet).
L'environnement culturel a vraisemblablement conduit les maîtres pâtissiers viennois à devenir plus créatifs. Il semblerait même que cette tradition soit originaire de Vienne avant même d'être française ! C'est d'ailleurs le cas du célèbre « croissant », devenu aujourd'hui une emblématique viennoiserie française ! Rien de bien étonnant à tout cela quand on se tourne vers l'Histoire, où un grand nombre de reines françaises - dont Marie-Antoinette - étaient autrichiennes.
Alors, être à Vienne sans goûter à ses pâtisseries légendaires deviendrait presque un acte de lèse-majesté ! « Si tu es à Rome, vis comme les Romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit. »
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Un Apfelstrudel accompagné d'un Melange |
L'une des spécialités viennoises mondialement connue est l'Apfelstrudel, une tarte chaude aux pommes rehaussée de cannelle. Il y a aussi le Schwarzwälder (« forêt noire »), un biscuit au cacao et à la crème fouettée, saupoudré de copeaux de chocolat, et surmonté d'une cerise. Si l'expression française, "la cerise sur le gâteau", est arrivée au XXe siècle par le biais de la langue anglaise ['the cherry on the cake'], il n'est pas impossible que Vienne en soit la véritable origine pâtissière. La Sacher Torte, est une génoise accompagnée de confiture d'abricots, nappée d'un fondant de chocolat, et accompagnée de crème fouettée. La viennoiserie appelée « pain aux raisins » est probablement une adaptation du Nussschnecke, une brioche roulée à la crème et aux noisettes.
Il existe encore bien d'autres pâtisseries viennoises, mais on se devait ici de « rendre à César, ce qui est à César» !
Ainsi donc, une visite à Vienne implique une exploration des subtilités du palais gustatif parallèlement à celles des palais impériaux du Hofburg, de Schönbrunn, ou du Belvedere! Alors que choisir: un café viennois? ou bien opter pour un chocolat viennois?
Christian Sorand
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