Réflexion
Sommes-nous
enfin en train d'entrer dans le XXIe siècle ?
Il
existe peut-être une certaine vérité symbolique entre phénomènes
naturels et l'état du monde. Le printemps a toujours été perçu
comme une renaissance cyclique. Au Japon, on y célèbre la floraison
des cerisiers avec une volonté tenace d'en faire un atout
économique. En même temps, au Mexique, le Popocatepelt offre le
spectacle d'une nouvelle éruption spectaculaire. La nature n'est que
le reflet des passions humaines...
Le
printemps des hommes a le privilège d'engendrer les changements, les
révolutions. Privilège, plutôt qu'incidence malheureuse. Car il
faut bien reconnaître au citoyen le droit de remettre les pendules à
l'heure. L'horloge du temps a régulièrement besoin d'être
réajustée. Croire que la démocratie est un état permanent est une
bien fausse idée. La démocratie exige un combat et un réajustement
perpétuel de la part du citoyen. Dans un discours fait à Gettysburg
en 1863, Abraham Lincoln disait alors : « Le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, ne périra
jamais de la Terre » ('Government
of the people, by the people, for the people, shall not perish from
the Earth'). C'est ainsi que tourne la Terre : après
l'orage, le soleil.
L'Histoire
semble indiquer que les changements de millénaires correspondent à
des périodes de troubles. Force est de constater que le 11 septembre
2001 n'en était que le point de départ. Temporellement, nous sommes
bien dans une nouvelle ère. Mais spirituellement, le sommes-nous
vraiment ? L'autre question que l'on pourrait poser, serait de
savoir si nous vivons encore dans une démocratie, du moins dans les
pays qui se disent libéraux ?
Bien
évidemment, la réponse est non ! La vieille garde du siècle
précédent détient encore les rênes de la politique. Le pouvoir
est corrosif; l'argent l'est aussi. On s'y accroche, grisé par
l'appât du gain ou celui de la toute puissance. Il existe de
multiples exemples de politiciens ou de magnats de la finance se
croyant au dessus des lois, comme si ils étaient investis d'une aura
divine. Louis XIV n'était-il pas 'le Roi Soleil' ?
N'appellait-on pas l'Empereur de Chine 'le Fils du Ciel' ?
« L'État, c'est moi ! ». Certes, mais
depuis, la philosophie des Lumières a conduit aux révolutions
américaines et françaises en 1786 et 1989; la Chine a reconduit
l'Empereur vers le ciel en entamant la 'Longue Marche' en 1934.
Pourtant,
en ce début de printemps 2016, il y a, semble-t-il, une certaine
lueur d'espoir pointant à l'horizon. Serait-ce le début de la
fin ? Le bout du tunnel ? Allons-nous enfin entrer de
plain-pied dans le XXIe siècle ? Il y a comme un nouveau parfum
de renouveau dans l'air. On sent la sève monter. Le printemps des
hommes refait surface.
En
France, on se souvient de 'Mai 68'. Cette explosion printanière d'un
milieu de siècle a eu un impact capital sur la société et la
politique. Elle exprimait déjà un ras-le-bol. C'était une autre
secousse sismique. L'onde de choc de la Révolution Française. Car
au regard de l'âge planétaire, moins de deux siècles, ne peuvent
être que négligeables. C'était le temps d'un premier réajustement
cyclique. Or ce temps-là pourrait bien être de retour comme le
sont les comètes de l'espace sidéral.
En
2011, en Tunisie, naissait ce qu'il est convenu d'appeler « le
printemps arabe ». Et si l'on vient arguer que ce 'printemps' a
eu lieu dès janvier, c'est ignorer la géographie locale où le
printemps commence déjà à fleurir. Une simple étincelle fait
exploser tout un système et le disloque comme un château de cartes.
Les tyrans oublient qu'ils bâtissent leur empire dans le sable. Et
quand le sirocco souffle, tout disparaît. La force brutale étouffe
la rébellion sans jamais réussir à l'éradiquer.
Et
si je parle de Mai 68 ou du Printemps arabe, c'est que j'ai vécu in
situ ces deux périodes de l'histoire contemporaine. La France, comme
la Tunisie, sont chères à mon cœur. Je pourrais également
invoquer la « Marche verte », qui a débuté
littéralement sous ma fenêtre à Casablanca, ou bien les aléas
politiques d'un autre royaume, celui de Thaïlande, où je vis
aujourd'hui. Les hasards de la vie m'ont rendu témoin d'une époque
bien mouvementée.
En
Mai 68, on invoquait le slogan : « ni
Marx, ni Jésus ».
On rejetait l'URSS, comme l'Amérique. C'était la fin du mouvement
hippie et des chemins de Katmandou. L'homme venait de poser son pied
sur la surface poussiéreuse de la face visible de la Lune. "That's
one small step for man, one giant leap for mankind."
C'est
ce que disait Neil Armstrong en 1969. Du moins, c'est ce que
l'Histoire a bien voulu retenir en l'enjolivant. Car Armstrong a
affirmé ensuite que ce n'était pas ce qu'il avait réellement dit
(« That's
one small step for a man.. »).
Ce que Jules Verne ou Hergé avaient prédit venait de se réaliser.
Le film de Stanley Kubrick, '2001 :
A Space Odyssey'
('2001-L'Odyssée
de l'Espace')
est sorti en 1968. Le mythe du XXIe siècle, celui d'un monde
meilleur, apparaissait soudain comme une réalité. C'était oublier
que le même Stanley Kubrick allait adapter à l'écran en 1971 le
roman 'A
Clockwork Orange'
('Orange
Mécanique')
d'Anthony Burgess. C'était oublier également que « Le
Meilleur des Mondes »
d'Aldous Huxley ('Brave New World', 1932) n'était pas celui qu'on
pouvait imaginer. Et en 1984,
on célébrait alors un autre roman, celui de George Orwell. Les
affaires WikiLeaks ou Edward Snowden n'en sont-elles pas une
dénonciation contemporaine? La chaîne de télévision quatarie
Al-Jazeera vient de diffuser une enquête révélatrice sur ces
sujets, intitulée « Digital
Dissidents ».
Ainsi
le rêve se double d'un cauchemar en contre partie. William
Shakespeare avait déjà traité du thème de l'apparence et de la
réalité. Un millénaire a laissé sa place à un autre. Et
l'Histoire renaît en boucle, laissant le champs libre à la
barbarie. Al-Qaïda sévit jusqu'au 11 septembre 2011. L'EI (ou ISIS,
ou Daesh) emboîte ensuite le pas, comme autrefois les Huns ou les
Nazis. Des tyrans notoires disparaissent : certains dans le
sang, comme Saddam Hussein ou Muammar Gaddafi ; d'autres
s'exilent, comme Zine El Abidine Ben Ali. D'autres encore meurent,
comme Kim Jong-il, laissant la place à son fils Kim Jong-un. Les
régimes militaires perdurent dans le cycle du temps et de
l'Histoire. Après la Birmanie, c'est au tour de la Thaïlande. Les
Asiatiques savent bien que le temps est composé de cycles. Le calme
avant la tempête, puis le soleil après la pluie. La sagesse
orientale nous enseigne l'étroite corrélation entre l'homme et son
environnement.
Le
parallèle entre les cycles naturels et les Hommes continue. Fidel
Castro avait paraît-il affirmé dans une boutade que Cuba serait
réhabilitée quand « le
président des États-Unis serait un Noir et que le Pape serait un
Sud-Américain » !
Sans vouloir jouer avec le destin, à l'instar de Nostradamus, il
faut bien admettre qu'il y a eu quelques Prométhées contemporains
pour annoncer un changement dans le cours du monde : Mahatma
Gandhi, Martin Luther King (« I
have a dream »),
Mother Teresa, Nelson Mandela.
Depuis
quelques années, il existe un collectif universel annonçant un
possible changement à l'horizon : la prise de conscience
climatique, les avancées de la génétique, l'esprit écologique,
l'alimentation bio et le rejet des empoisonnements manufacturés
catalysés par une compagnie multinationale comme Monsanto.
Hélas,
le pouvoir de l'argent et celui de la politique perdurent. Cependant,
on s'aperçoit depuis quelques années que cette forteresse
imprenable s'effrite aussi avec le temps. La perception des hommes du
XXIe siècle a changé. L'argent et la politique croient encore à
leur emprise sur les masses. Ils s'accrochent désespérément à
vouloir encore tout contrôler. Or plusieurs signes signalent des
avancées imperceptibles. La crise migratoire mondiale est venue
piper les dés. Un cessez-le-feu a été instauré en Syrie. L'État
islamique essuie revers après revers. Signe perceptible que la
barbarie laisse progressivement la place à un ordre nouveau. Un
proverbe cambodgien dit ceci : « Vous
avez la montre, nous avons le temps ».
Il est indéniable qu'il faut laisser le temps au temps. Le temps des
hommes, n'est pas celui de l'univers.
En
France, les dernières élections législatives ont entamé l'annonce
du changement. Deux candidats de la droite ont capté le message :
l'un à Lille, l'autre à Nice. Pas encore les autres. Aujourd'hui,
le slogan n'est plus le même qu'au siècle passé. Ce que réclame
le peuple citoyen, c'est un nouvel ordre. L'Union Européenne a déçu.
Tiendra-t-elle la route ? Plus que jamais, ce n'est ni
capitalisme, ni marxisme. Ce n'est ni la droite, ni la gauche non
plus. Et bien entendu, nos dirigeants font la sourde oreille sur ce
sujet... Or avant un tsunami, il y a le calme plat. Soudain, la vague
déferle emportant tout sur son passage. À Paris, en ce printemps
2016, les Jeunes – à juste titre – ces oubliés du pouvoir
politique et des nantis, préparent peut-être un nouveau Mai 68. A
vrai dire, on ne peut qu'en faire le souhait, car la classe
dirigeante fait semblant de minimiser cette poussée printanière. La
coupe est pleine. Ce n'est plus Sarkozy, ni Hollande et moins encore
Marine Le Pen. Tout cela est à balayer, dans l'esprit des masses.
Une simple étincelle viendra mettre le feu aux poudres. Le volcan
est en ébullition. Au XXIe siècle, les aléas et la corruption des
hommes politiques ne sont plus acceptables. C'est par ce biais que le
changement se fera. Du moins, pendant la durée du prochain cycle.
Le
feu couve... Les 'Panama
Papers'
viennent de surgir en même temps que l'éruption du volcan mexicain.
Comme par hasard, cela nous vient de cette même zone géographique
d'Amérique centrale ! Nombre de dirigeants ou de nantis se
sentent maintenant menacés : au Maroc, en Arabie Saoudite, au
Qatar, en Argentine, au Brésil, et même en Russie ou en Chine !
C'est peut-être l'Islande qui donnera le ton d'un retournement
vraisemblablement irréversible. L'Islande justement, qui avait déjà
enfermé tous ses banquiers, jugés responsables de la faillite du
pays, donnera le ton, à n'en pas doûter. Le Premier Ministre, a
déjà annoncé qu'il ne renoncerait pas à son mandat, comme
d'ailleurs la Présidente du Brésil. C'est oublier que dans une
démocratie, le pouvoir du peuple l'emporte toujours, même dans le
sang. L'effet boule de neige, celui que l'on appelle aussi le
'boomerang
effect'
en Australie, va commencer à s'instaurer grâce à ce troisième
pouvoir des démocraties modernes que sont les médias. « Le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » est
devenu un leitmotiv universel.
Cette
nouvelle conscience planétaire réclame un peu partout le rejet des
institutions jugées surannées et obsolètes. L'Homme du XXIe siècle
réclame un nouvel ordre, mieux adapté aux besoins d'une nouvelle
mentalité. L'esprit du XXe siècle est révolu quoi qu'en pensent
nos dirigeants.
Mieux
vaut accepter d'entrer dans une ère nouvelle, même si cela entraîne
un remous prévisible et l'inconfort du changement. Ce n'est, hélas,
qu'à ce prix que le peuple peut espérer faire un pas de plus dans
la longue marche du temps. « Deux pas en avant, un pas en
arrière » s'écriait Lénine en 1904. La vieille garde
historique a vécu. Le cycle du Temps a entamé son come-back. Rien
ne peut arrêter la Terre de tourner sur son axe. Le XXIe siècle est
en train d'entamer de lever enfin son rideau.
Christian
Sorand
Bangkok,
avril 2016
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