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Tuesday, April 5, 2016

Un nouveau millénaire à l'horizon ?

Réflexion
Sommes-nous enfin en train d'entrer dans le XXIe siècle ?

Il existe peut-être une certaine vérité symbolique entre phénomènes naturels et l'état du monde. Le printemps a toujours été perçu comme une renaissance cyclique. Au Japon, on y célèbre la floraison des cerisiers avec une volonté tenace d'en faire un atout économique. En même temps, au Mexique, le Popocatepelt offre le spectacle d'une nouvelle éruption spectaculaire. La nature n'est que le reflet des passions humaines...
Le printemps des hommes a le privilège d'engendrer les changements, les révolutions. Privilège, plutôt qu'incidence malheureuse. Car il faut bien reconnaître au citoyen le droit de remettre les pendules à l'heure. L'horloge du temps a régulièrement besoin d'être réajustée. Croire que la démocratie est un état permanent est une bien fausse idée. La démocratie exige un combat et un réajustement perpétuel de la part du citoyen. Dans un discours fait à Gettysburg en 1863, Abraham Lincoln disait alors : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, ne périra jamais de la Terre » ('Government of the people, by the people, for the people, shall not perish from the Earth'). C'est ainsi que tourne la Terre : après l'orage, le soleil.

L'Histoire semble indiquer que les changements de millénaires correspondent à des périodes de troubles. Force est de constater que le 11 septembre 2001 n'en était que le point de départ. Temporellement, nous sommes bien dans une nouvelle ère. Mais spirituellement, le sommes-nous vraiment ? L'autre question que l'on pourrait poser, serait de savoir si nous vivons encore dans une démocratie, du moins dans les pays qui se disent libéraux ?

Bien évidemment, la réponse est non ! La vieille garde du siècle précédent détient encore les rênes de la politique. Le pouvoir est corrosif; l'argent l'est aussi. On s'y accroche, grisé par l'appât du gain ou celui de la toute puissance. Il existe de multiples exemples de politiciens ou de magnats de la finance se croyant au dessus des lois, comme si ils étaient investis d'une aura divine. Louis XIV n'était-il pas 'le Roi Soleil' ? N'appellait-on pas l'Empereur de Chine 'le Fils du Ciel' ? « L'État, c'est moi ! ». Certes, mais depuis, la philosophie des Lumières a conduit aux révolutions américaines et françaises en 1786 et 1989; la Chine a reconduit l'Empereur vers le ciel en entamant la 'Longue Marche' en 1934.

Pourtant, en ce début de printemps 2016, il y a, semble-t-il, une certaine lueur d'espoir pointant à l'horizon. Serait-ce le début de la fin ? Le bout du tunnel ? Allons-nous enfin entrer de plain-pied dans le XXIe siècle ? Il y a comme un nouveau parfum de renouveau dans l'air. On sent la sève monter. Le printemps des hommes refait surface.

En France, on se souvient de 'Mai 68'. Cette explosion printanière d'un milieu de siècle a eu un impact capital sur la société et la politique. Elle exprimait déjà un ras-le-bol. C'était une autre secousse sismique. L'onde de choc de la Révolution Française. Car au regard de l'âge planétaire, moins de deux siècles, ne peuvent être que négligeables. C'était le temps d'un premier réajustement cyclique. Or ce temps-là pourrait bien être de retour comme le sont les comètes de l'espace sidéral.
En 2011, en Tunisie, naissait ce qu'il est convenu d'appeler « le printemps arabe ». Et si l'on vient arguer que ce 'printemps' a eu lieu dès janvier, c'est ignorer la géographie locale où le printemps commence déjà à fleurir. Une simple étincelle fait exploser tout un système et le disloque comme un château de cartes. Les tyrans oublient qu'ils bâtissent leur empire dans le sable. Et quand le sirocco souffle, tout disparaît. La force brutale étouffe la rébellion sans jamais réussir à l'éradiquer.
Et si je parle de Mai 68 ou du Printemps arabe, c'est que j'ai vécu in situ ces deux périodes de l'histoire contemporaine. La France, comme la Tunisie, sont chères à mon cœur. Je pourrais également invoquer la « Marche verte », qui a débuté littéralement sous ma fenêtre à Casablanca, ou bien les aléas politiques d'un autre royaume, celui de Thaïlande, où je vis aujourd'hui. Les hasards de la vie m'ont rendu témoin d'une époque bien mouvementée.

En Mai 68, on invoquait le slogan : « ni Marx, ni Jésus ». On rejetait l'URSS, comme l'Amérique. C'était la fin du mouvement hippie et des chemins de Katmandou. L'homme venait de poser son pied sur la surface poussiéreuse de la face visible de la Lune. "That's one small step for man, one giant leap for mankind." C'est ce que disait Neil Armstrong en 1969. Du moins, c'est ce que l'Histoire a bien voulu retenir en l'enjolivant. Car Armstrong a affirmé ensuite que ce n'était pas ce qu'il avait réellement dit (« That's one small step for a man.. »). Ce que Jules Verne ou Hergé avaient prédit venait de se réaliser. Le film de Stanley Kubrick, '2001 : A Space Odyssey' ('2001-L'Odyssée de l'Espace') est sorti en 1968. Le mythe du XXIe siècle, celui d'un monde meilleur, apparaissait soudain comme une réalité. C'était oublier que le même Stanley Kubrick allait adapter à l'écran en 1971 le roman 'A Clockwork Orange' ('Orange Mécanique') d'Anthony Burgess. C'était oublier également que « Le Meilleur des Mondes » d'Aldous Huxley ('Brave New World', 1932) n'était pas celui qu'on pouvait imaginer. Et en 1984, on célébrait alors un autre roman, celui de George Orwell. Les affaires WikiLeaks ou Edward Snowden n'en sont-elles pas une dénonciation contemporaine? La chaîne de télévision quatarie Al-Jazeera vient de diffuser une enquête révélatrice sur ces sujets, intitulée « Digital Dissidents ».
Ainsi le rêve se double d'un cauchemar en contre partie. William Shakespeare avait déjà traité du thème de l'apparence et de la réalité. Un millénaire a laissé sa place à un autre. Et l'Histoire renaît en boucle, laissant le champs libre à la barbarie. Al-Qaïda sévit jusqu'au 11 septembre 2011. L'EI (ou ISIS, ou Daesh) emboîte ensuite le pas, comme autrefois les Huns ou les Nazis. Des tyrans notoires disparaissent : certains dans le sang, comme Saddam Hussein ou Muammar Gaddafi ; d'autres s'exilent, comme Zine El Abidine Ben Ali. D'autres encore meurent, comme Kim Jong-il, laissant la place à son fils Kim Jong-un. Les régimes militaires perdurent dans le cycle du temps et de l'Histoire. Après la Birmanie, c'est au tour de la Thaïlande. Les Asiatiques savent bien que le temps est composé de cycles. Le calme avant la tempête, puis le soleil après la pluie. La sagesse orientale nous enseigne l'étroite corrélation entre l'homme et son environnement.

Le parallèle entre les cycles naturels et les Hommes continue. Fidel Castro avait paraît-il affirmé dans une boutade que Cuba serait réhabilitée quand « le président des États-Unis serait un Noir et que le Pape serait un Sud-Américain » ! Sans vouloir jouer avec le destin, à l'instar de Nostradamus, il faut bien admettre qu'il y a eu quelques Prométhées contemporains pour annoncer un changement dans le cours du monde : Mahatma Gandhi, Martin Luther King (« I have a dream »), Mother Teresa, Nelson Mandela.
Depuis quelques années, il existe un collectif universel annonçant un possible changement à l'horizon : la prise de conscience climatique, les avancées de la génétique, l'esprit écologique, l'alimentation bio et le rejet des empoisonnements manufacturés catalysés par une compagnie multinationale comme Monsanto.
Hélas, le pouvoir de l'argent et celui de la politique perdurent. Cependant, on s'aperçoit depuis quelques années que cette forteresse imprenable s'effrite aussi avec le temps. La perception des hommes du XXIe siècle a changé. L'argent et la politique croient encore à leur emprise sur les masses. Ils s'accrochent désespérément à vouloir encore tout contrôler. Or plusieurs signes signalent des avancées imperceptibles. La crise migratoire mondiale est venue piper les dés. Un cessez-le-feu a été instauré en Syrie. L'État islamique essuie revers après revers. Signe perceptible que la barbarie laisse progressivement la place à un ordre nouveau. Un proverbe cambodgien dit ceci : « Vous avez la montre, nous avons le temps ». Il est indéniable qu'il faut laisser le temps au temps. Le temps des hommes, n'est pas celui de l'univers.

En France, les dernières élections législatives ont entamé l'annonce du changement. Deux candidats de la droite ont capté le message : l'un à Lille, l'autre à Nice. Pas encore les autres. Aujourd'hui, le slogan n'est plus le même qu'au siècle passé. Ce que réclame le peuple citoyen, c'est un nouvel ordre. L'Union Européenne a déçu. Tiendra-t-elle la route ? Plus que jamais, ce n'est ni capitalisme, ni marxisme. Ce n'est ni la droite, ni la gauche non plus. Et bien entendu, nos dirigeants font la sourde oreille sur ce sujet... Or avant un tsunami, il y a le calme plat. Soudain, la vague déferle emportant tout sur son passage. À Paris, en ce printemps 2016, les Jeunes – à juste titre – ces oubliés du pouvoir politique et des nantis, préparent peut-être un nouveau Mai 68. A vrai dire, on ne peut qu'en faire le souhait, car la classe dirigeante fait semblant de minimiser cette poussée printanière. La coupe est pleine. Ce n'est plus Sarkozy, ni Hollande et moins encore Marine Le Pen. Tout cela est à balayer, dans l'esprit des masses. Une simple étincelle viendra mettre le feu aux poudres. Le volcan est en ébullition. Au XXIe siècle, les aléas et la corruption des hommes politiques ne sont plus acceptables. C'est par ce biais que le changement se fera. Du moins, pendant la durée du prochain cycle.
Le feu couve... Les 'Panama Papers' viennent de surgir en même temps que l'éruption du volcan mexicain. Comme par hasard, cela nous vient de cette même zone géographique d'Amérique centrale ! Nombre de dirigeants ou de nantis se sentent maintenant menacés : au Maroc, en Arabie Saoudite, au Qatar, en Argentine, au Brésil, et même en Russie ou en Chine ! C'est peut-être l'Islande qui donnera le ton d'un retournement vraisemblablement irréversible. L'Islande justement, qui avait déjà enfermé tous ses banquiers, jugés responsables de la faillite du pays, donnera le ton, à n'en pas doûter. Le Premier Ministre, a déjà annoncé qu'il ne renoncerait pas à son mandat, comme d'ailleurs la Présidente du Brésil. C'est oublier que dans une démocratie, le pouvoir du peuple l'emporte toujours, même dans le sang. L'effet boule de neige, celui que l'on appelle aussi le 'boomerang effect' en Australie, va commencer à s'instaurer grâce à ce troisième pouvoir des démocraties modernes que sont les médias. « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » est devenu un leitmotiv universel.

Cette nouvelle conscience planétaire réclame un peu partout le rejet des institutions jugées surannées et obsolètes. L'Homme du XXIe siècle réclame un nouvel ordre, mieux adapté aux besoins d'une nouvelle mentalité. L'esprit du XXe siècle est révolu quoi qu'en pensent nos dirigeants.
Mieux vaut accepter d'entrer dans une ère nouvelle, même si cela entraîne un remous prévisible et l'inconfort du changement. Ce n'est, hélas, qu'à ce prix que le peuple peut espérer faire un pas de plus dans la longue marche du temps. « Deux pas en avant, un pas en arrière » s'écriait Lénine en 1904. La vieille garde historique a vécu. Le cycle du Temps a entamé son come-back. Rien ne peut arrêter la Terre de tourner sur son axe. Le XXIe siècle est en train d'entamer de lever enfin son rideau.

Christian Sorand
Bangkok, avril 2016

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