ANALYSE
Hier
soir, j'ai regardé le documentaire de M6 sur la Thaïlande (Zone
interdite- La Thaïlande, nouveau paradis des Français).
Certes, c'est un beau film avec des images qui invitent au rêve.
Dans un pays (la France) qui vit dans la morosité, c'est presque un
ballon d'oxygène. C'est une apologie du bling-bling à tout va
doublé d'un cocorico désolant !
Ce
n'est évidemment pas ma Thaïlande. Dans le documentaire, on ne voit
qu'un pays qui se résume à la moitié sud, entre Bangkok, les
plages et les îles, avec une petite incursion dans l'Isan pour
parler du charolais ! Couple de retraités à Hua Hin, surnommée
« le Deauville de la Thaïlande »; marieuse et
boucher à Koh Samui; groupe de fêtards beurs à Phuket, avec
l'inévitable excursion à Koh Phi Phi; grand restaurant français à
Bangkok. Voici donc une image du « pays du sourire »
véhiculée pour illuminer la froidure hivernale des Français. Il
est vrai que vers la fin du reportage on évoque un autre aspect de
Phuket : proxénétisme et boîte de nuit animée par un rappeur
exilé. Bien entendu, il s'agit d'activités, promues par des
Français pour les Français, comme l'agent immobilier de Hua Hin. La
plupart des Français ne parlent aucune langue étrangère et en tout
cas, très mal l'anglais. On fait donc comme ces groupes de Chinois
qui visitent la France et ne mangent que dans des restaurants
chinois. Sous prétexte que la cuisine thaïe est épicée, on
préfère manger français. Alors, voici ce petit groupe de
banlieusards qui se retrouvent dans un restaurant français halal de
Phuket...Or, il y a pourtant des restaurants musulmans dans le sud!
Les
seuls Français de Thaïlande qui sortent un peu du lot sont les deux
jeunes frères, champions de muay thai (la boxe thaïlandaise).
Malgré
tout, le reportage nous propulse dans la sphère irréelle d'un
marchand de rêves. Et pour qui vit en Thaïlande, c'est une fausse
image, représentant une vision superficielle du pays. Les expats
vivant en Asie depuis longtemps savent bien que le sourire n'est
qu'une façade. D'ailleurs, de quel sourire parle-t-on ?
Cette
réaction pourrait être perçue négativement. Replaçons alors
l'analyse. Oui, la Thaïlande est un pays où il fait bon vivre, mais
le « sourire » asiatique n'est pas celui des occidentaux.
Il faut apprendre à le lire. En réalité la Thaïlande est
faussement appelée « le pays du sourire ». Ce
serait plutôt « le pays des sourires ». Le
boucher de Koh Samui a d'ailleurs laissé entendre que le « non »,
l'opposé du « oui », était un non-dit. Ici, le silence
et le non-dit règnent en maître et il faut savoir comment maneuvrer
pour toujours sauver la face sans jamais se mettre en colère.
L'Asiatique a horreur des situations conflictuelles.
Non,
la Thaïlande n'est pas seulement faite de plages et d'îles. Qui va
payer entre 100 et 300 euros pour la table d'un grand chef français ?
Les élites de Bangkok et les expatriés fortunés. Et si « la
cuisine thaïlandaise est l'une des meilleures du monde »,
pourquoi ne pas l'évoquer? On lui préfère la cuisine d'un grand
chef français. Noblesse oblige.
La
Thaïlande est riche en culture, en parcs nationaux et en paysages
fabuleux dont personne ne parle. Comment peut-on évoquer un pays en
oblitérant complètement la partie nord. Il y a pourtant aussi
beaucoup de Français à Chiang Mai, par exemple! Quant à venir ici
pour y vivre à la française parmi d'autres français, on peut se
poser la question s'il ne s'agirait pas en fait d'un relent
colonialiste ? À moins que ce soit cette crainte du Français
de perdre totalement ses racines, sa langue, sa culture. Dans ce cas,
pourquoi venir en Thaïlande si c'est simplement pour y recréer une
bulle de confort franco-française?
Christian
Sorand
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